Re: Backgrounds
Jade traversa lentement le couloir menant à sa cellule au monastère. Malgré sa satisfaction et cette sensation de bien-être intérieur, le poids des années était présent et ce long périple aux confins du Royaume avaient été éprouvantes. Maintenant qu’elle était rentrée, elle se remémora les motivations de son départ.
L’Abbé ne lui avait jamais caché ce qu’il savait sur ses origines, c’est à dire pas grand chose. Il l’avait trouvé devant la porte de l’Eglise un matin sans mot ou quelconque indice juste un lange en laine et un couffin en roseaux tressé. A priori, elle ne venait pas d’une des familles de la région car l’Abbé l’aurait rapidement su. Elle était probablement la fille d’une malheureuse désargentée, d’une fugitive ou résultat d’une union interdite ou honteuse. Peu importait au final, comme tous les enfants abandonnés, un sentiment de culpabilité l’avait toujours accompagnée bien qu’elle fût bien sûr innocente quant à ce crime. Ceci dit, Pelor l’avait mise sur la route de l’Abbé qui lui avait appris tellement de chose et surtout à ne pas éprouver de ressentiment. Chaque chose arrivait pour une bonne raison. Les épreuves, aussi dures fussent-elles, étaient faites pour en sortir grandi. Pelor avait un plan pour chacun et il fallait l’accepter. Elle avait compris que son abandon devait avoir un sens, il fallait juste qu’elle trouve la voie. Elle l’avait fait en aidant les malheureux au sein de sa communauté, en apportant réconfort et en transmettant la Parole de Pelor. De part son naturel, elle s’était fait de nombreux amis dans ce petit village. Ils avaient grandi ensemble et avait refait le monde à tellement de reprises. Ses meilleurs compagnons avaient été Marcellus, Rémo et Sillyne. Adultes, ils avaient décidés de parcourir le monde vérifier si leurs théories d’enfants s’avéraient justes. Ils avaient trouvé beaucoup de choses enrichissantes, certes, mais ils avaient trouvé surtout mort, guerre, haine, misère et fourberie. Ils avaient dû rentrer prématurément car ils avaient tous eu des responsabilités à assumer. Quant à elle, elle décida de se couper du monde car elle était jeune et peu préparée à ce genre d’expéditions. L’horreur qu’elle avait croisé l’avait profondément atteinte et elle pensait qu’il valait mieux rester au couvent pour prier pour que le monde devienne meilleurs. Au fil des années, elle avait reçu des missives de ses compagnons apportant des nouvelles plus ou moins bonnes mais assez prévisibles en fait. Et les promesses d’aventure n’avaient jamais eu de suite. Encore une fois assez prévisible mais tant mieux au final, elle n’avait jamais eu à trouver des excuses pour ne pas partir puisqu’elle ne souhaitait plus retourner dans ce monde hostile de l’extérieur. Pendant des années, donc, elle se dévoua à Pelor et aux miséreux de la communauté.
L’Abbé vieillissait néanmoins et il avait été question qu’elle reprenne la tête de la paroisse. Elle avait réfléchi et un sentiment d’inachevé avait commencé à s’insinuer en elle. Elle devait connaître la vérité sur ses origines mais ne pouvait pas abandonner les siens. Elle avait alors eu l’idée de continuer de transmettre Sa parole sur les routes avec un petit groupe de fidèles. L’Abbé n’avait pas été forcément très enchanté mais il était vrai qu’éclairer les esprits de part le monde pouvait s’avérer nécessaire. C’est ainsi qu’elle avait repris la route. Pas pour partir à l’aventure mais, beaucoup plus mature cette fois, il s’agissait de pacifier la région en apportant la Parole du Radiant.
Elle s’arrêta dans ses pensées car elle atteignit la porte de sa cellule. Avec une certaine nostalgie, elle poussa la porte. Il faisait assez sombre à l’intérieur, elle l’avait oublié. Une fois sa vue accoutumée, elle balaya la pièce du regard. Toujours aussi spartiate: une paillasse, une chaise, une table et une commode. Pas de décoration à part un symbole de Pelor au mur. Elle sourit, pris un inspiration et pénétra à l’intérieur. La cellule était propre, ils avaient dû la garder en état pendant toutes ces années. Elle baissa les yeux sur elle-même. Elle était recouverte de poussière de la tête au pieds. Comme quoi on pouvait changer. Elle n’aurait jamais accepté autant de «négligences» auparavant. Elle s’épousseta tant bien que mal. Elle déposa son matériel de missionnaire sur la commode et s’assit sur la paillasse avec un certain soulagement. L’arthrose avait commencé ses méfaits et son dos en était la principale cible. Un petit monticule sur la table attira son attention. Elle se fit violence pour se remettre debout. Elle arriva à côté. Il s’agissait de lettres. Elle les passa d’abord rapidement en revues. Principalement des lettres de ses camarades. Elles s’étaient accumulées au fil des années. Elle ne les avait pas prévenu de son périple. Elle se rassit donc et entreprit de toute les lire. Toujours les même nouvelles et même promesses. Elle sourit. Elle se demandait à quoi ils pouvaient bien ressembler à présent. Enfin, elle ouvrit la dernière lettre. Elle datait de quelques jours à peine. C’était de Marcellus. Tous les compagnons étaient enfin réunis. Remo, sorti de geôle, Sillyne, libérée de ses enfants et Marcellus se réunissaient chez ce dernier... ce soir! Elle prit vite un parchemin avec sa réponse. Elle acceptait de venir discuter du bon vieux temps. Elle sortit de sa cellule pour trouver un gamin de la paroisse et lui remettre la missive à donner à Marcellus au plus vite. Puis elle retourna nettoyer ses affaires au lavoir. Pendant qu’elle nettoyait des vêtements elle s’évada à nouveau dans son esprit.
Ce voyage lui avait apporté bien plus que des réponses. Elle avait trouvé ce qu’elle cherchait mais bien au-delà, elle avait fait la rencontre de cultures tout aussi étranges que riches. Elle avait découvert que les hommes avaient la capacité de voir les même choses de tellement de façon différentes. Elle avait d’abord été un peu réservée quant à ces façon de penser un peu païenne mais finalement, elle avait accepté d’ouvrir son esprit et d’écouter. Elle s’était rendu compte que Pelor était encore plus grand que ce qu’elle avait pu imaginer. Il apparaissait sous différentes formes et transmettait de multiples versions du Messages mais pour une même finalité. Elle avait appris à renforcer son esprit en renforçant son corps, ce qui lui était complètement étranger jusque là. Les leçons avaient été dures car elle était âgée par rapport aux jeunes de ces contrées qui apprenaient toutes ces choses dès leur plus jeune âge. Elle avait simplement trouvé la paix intérieure et comprit que cela lui permettait d’accomplir sa tâche avec encore plus de grandeur et de dévotion selon Sa Volonté. Après avoir passé de nombreuses années sur la route, elle avait reçu un message de l’Abbé indiquant qu’elle devait rentrer. Son absence avait été longue, les fidèles plus nécessiteux et les membres du clergés de plus en plus clairsemés. De plus, il fallait qu’elle commence à apprendre à diriger une paroisse. Avec tous les autres missionnaires, elle repartit vers son village, sereine. Elle avait autant transmis qu’appris et sa quête personnelle avait prit fin...
Elle allait se remémorer ce point précis lorsque le carillon sonna, lui faisant prendre conscience que l’heure du rendez-vous approchait. Elle termina en vitesse sa besogne puis entra se préparer. Égale à elle-même, elle s’habilla avec la même tenue habituelle, à la fois simple et pratique. Peu de temps après, elle se rendit dans la chapelle pour rendre hommage à Pelor. Elle y retrouva l’Abbé déjà en prière. Elle n’était pas encore venue se présenter à lui depuis son retour aussi se plaça t elle discrètement derrière lui pour prier. Ainsi fait, elle redressa la tête et chercha son mentor dans les travées et sursauta lorsqu’on lui tapota sur l’épaule. Le vieil homme se tenait derrière elle et lui souriait. Malgré son âge canonique, il conservait une belle vivacité d’esprit avec une espièglerie de gamin. Elle le prit dans ses bras. Combien d’années avaient passées? Peu importait. Elle le repoussa pour le tenir par les épaules et le contempler. Il avait tellement changé! Pas son regard certes, mais il était devenu un Ancien, voûté, tremblotant et chétif. Il lui souriait toujours en silence, les yeux embués de larmes.
«Bienvenu chez toi mon enfant. Tellement d’années ont passé. Je vois dans ton regard qu’elles ne m’ont pas épargnées!...»
Elle le relâcha et regarda ses pieds un peu honteuse...
«Ne t’inquiète pas Jade, je sais bien que le temps passe et je m’en réjouis car je vais bientôt Le rejoindre. Je vois aussi que tu as... changé. Tu aurais pu être grand mère! Hi hi!...»
Jade allait répondre un peu vexée mais le vieil homme poursuivit un peu plus sérieux:
«Non, vraiment, il n’y a pas seulement que ces rides mais ce qu’il y a au fond de ton regard est différent. Et puis, qu’est ce donc que cet accoutrement?...»
Jade lui sourit en retour. C’est vrai qu’elle ne l’avait pas tenu au courant de tout son voyage. Elle commença à remonter l’allée centrale, le tenant par le bras.
«Vous savez, ce voyage a été très instructif. Par où commencer. D’abord, je suis contente d’avoir eu le courage de ressortir d’ici. Grâce soit rendue en Sa Clairvoyance. Je pense que j’aurais raté la mission qui m’a été confiée si j’avais poursuivi sur la voie de la réclusion. J’ai pu voir que tout n’était pas mauvais et que les circonstances pouvaient faire changer les pensées. Je crois que par ma bouche, Sa Parole a été entendue là où je suis passée mais plus encore...»
Elle s’interrompit, le carillon sonnant l’heure du rendez-vous. Elle l’étreignit à nouveau.
«Je dois aller voir mes amis, vous vous souvenez? Marcellus, Remo et Sillyne. Pour une fois, ils sont tous présents ce soir et Pelor seul sait si je les retrouverais un jour. Comme vous venez de le dire, je pourrais être grand mère et je vous aurais peut être rejoint au côté de Sa Sainteté avant notre prochaine réunion!»
L’Abbé lui tapota l’épaule.
«Vas-y. Va les rejoindre. Je peux bien attendre un jour de plus. Mais je t’attends à l’aube pour que tu me racontes tout dans les moindres détails. Je pense qu’une journée entière ne sera pas de trop!»
Elle hocha la tête.
«promis!»
Puis elle fila aussi vite que ses articulations lui permirent. Elle récupéra sans y penser son bâton de marche qui était devenu presqu’un morceau d’elle-même puis sortit du monastère en direction de la demeure de Marcellus. Elle se perdit plusieurs fois car la configuration du village avait un peu changé et sa mémoire devait avoir perdu un peu de sa superbe. Enfin, elle arriva devant chez Marcellus. Avec l’anxiété d’une gamine, elle frappa à la porte...